Noël provençal

Publié le 17 Décembre 2016

La crèche avec son 'ravi', le simplet du village, celui qui incarne le Vrai, l'authentique.

La crèche avec son 'ravi', le simplet du village, celui qui incarne le Vrai, l'authentique.

La crèche nous invite à nous retrouver autour de cet enfant.

On raconte que l'Enfant-Jésus est né en Provence, à 'Betelen en Prouvènço' selon nos 'Pastouralo prouvençalo' petites comédies musicales, de Maurel, ou de Reboun, ou d'autres encore ; allez, on y croit ?

Laissons-nous plutôt envahir par ce sentiment de bonheur et de rêve qui a permis à tant de générations de survivre malgré les difficultés permanentes, au paroxysme pendant les guerres. Il n'est guère question de religion puisque ce n'est point ce qui est écrit dans nos livres de référence ; ou alors le mot 'religion' est-il pris dans le sens étymologique de 'relier', de faire un pont ? Et là nous y sommes. Nous trouvons un moyen de respirer un peu de bonheur et de force, c'est l'essentiel; qui nous enlèvera cette utopie ?

 

 

 

Une belle vitrine en centre-ville.

Une belle vitrine en centre-ville.

Notre Noël provençal apparaît aux yeux étrangers avec sa grande table et ses fameux treize desserts. Cela est en fait une coutume relativement récente, et émanant de la région strictement marseillaise.

ici à Istres, nos aïeux visaient principalement à se retrouver en famille, à festoyer évidemment, mais avec ce que la nature et la saison apportaient. Nous sommes dans un canton paysan et il y avait principalement les produits du terroir, avec des gâteries telles la pâte de coing, le gibassier (c'est le dessert qui fait la 'gibe', la bosse !), et le bon vin cuit : la cartagène, celui qui  non seulement réjouira les papilles, mais aussi servira à arroser symboliquement la grosse bûche de la cheminée. Le feu sera ranimé par l'aïeul, le plus vieux de la famille.

Il y aura donc la cérémonie du 'cacho-fiò', au cours de laquelle, juste avant de déposer l'énorme bûche d'arbre fruitier, voyez-y un symbole, l'aïeul accompagné du plus jeune fera par trois fois le tour de la table de la cuisine. Trois fois car nous avons ici le chiffre-clé de l'enseignement religieux. Et ils déposeront ce bois, source de chaleur dans l'âtre.

La table aura été dressée sur trois nappes blanches, de la plus grande à la plus petite, et chacune d'elles servira une journée. La première pour le 'gros soupa', qui contrairement à sa désignation, doit être assez léger pour permettre d'aller ensuite, en début de soirée, à la messe de minuit, mais en veillant à ne pas surcharger l'estomac ; il fait froid et il est raisonnable de se modérer, la marche jusqu'à l'église se faisant souvent à pied. Ce repas n'a aucunement de viande, parfois du poisson ; des légumes essentiellement ; et le dessert, plus ou moins frugal selon les époques et les lieux.

La seconde nappe sera pour le 25, jour de Noël ; et la troisième pour le lendemain de Noël, férié en Provence pour faciliter le voyage à ceux qui sont venus de loin. Et il est prévu de garder une place, une assiette pour un pauvre qui passerait.

Chaque soir, les coins de la table seront remontés pour éviter aux mauvais esprits d' accéder aux victuailles, mais surtout pour écarter quelques bêtes indésirables!

Sur la table nous avons en permanence trois bougies et trois soucoupes de blé (ou lentilles) germé, déposé sur du coton régulièrement humidifié. C'est le jour de la Sainte barbe que ces graines doivent être mises à germer. Mais pourquoi ce jour ? Quel rapport avec ce saint ?

Cherchez donc un rapport avec le chiffre trois

Trois semaines, oui, vingt-et-un jours avant Noël, tout simplement ( 25-21 = 4)

Ces graines germées symbolisent la richesse des cultures, et la Tradition révèle le chiffre trois une fois de plus. Là, nous sommes au coeur de la Provence traditionnelle, bien plus qu'avec les treize desserts. Mais cette dernière coutume a enthousiasmé les touristes, et elle a supplanté maintenant le symbolisme tertiaire. A propos, précisons qu'il s'agit de la Sainte Trinité (le père, le Fils, et le Saint Esprit), une facette de la religion.

En ce qui concerne le chiffre treize, on peut se questionner et se resituer : le treize passe pour certains pour une mauvaise augure (ne pas être treize à table par exemple), tandis que la table de Noêl avec ses treize desserts reste une image de bonheur. A chacun maintenant, en 2016 pour quelques jours encore, de vivre avec ses croyances, ou son détachement cartésien.

 

Rédigé par Annie Clerc

Publié dans #terroir

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